Comme dans un film, certains ont osé renoncer au dernier moment. Le magazine Grazia a recueilli les propos d'un homme qui a tout planté à l'église... Touchant et déstabilisant, son récit amène transporte !
Propos receuilli par Estelle McQueen / Grazia.fr
Valentine est issue d’une bonne famille du B***. On s’est rencontrés en 2007. Architecte, j’avais des soucis de permis de construire. J’en touche deux mots à ma nouvelle copine et la voilà qui téléphone au sous-préfet. C’est son oncle. Mes problèmes ont aussitôt fondu comme neige au soleil. Un membre du clan avait toujours la solution. Je me castagnais dans un bar ? Dix minutes de trou et on me relâchait avec des excuses. Je sortais avec la fille de J. R. Ewing. Ces quatre ans sont passés comme dans un rêve. On avait une belle maison avec une suite parentale, un atelier (je fais un peu de BD à côté). Le week-end, on allait au C***, avec toute la famille, les chiens, les gosses. Autour d’un barbecue, on buvait du Campari en échangeant des ragots. Mon désir pour Valentine s’est éteint au bout de six mois.
Partir, je n’y songeais pas. Tout était réglé comme du papier à musique.
La deuxième année, j’ai commencé à bosser avec son père sur un gros projet pour ses anciennes poissonneries : une médiathèque. Mon idée. Raymond m’a imposé pour dessiner le bâtiment. Et voilà que j’avais 30 ans et que je demandais Valentine en mariage. La bague m’a coûté un bras. Le soir même, ma fiancée m’a cuisiné un agneau madras en porte-jarretelles. Il a fallu que je la prenne sur la cuisinière. Je la pilonnais en me concentrant sur l’idée de ma médiathèque. L’agneau clapotait dans la casserole. Ce serait ma vie. Et puis j’ai rencontré Valentine – l’autre Valentine…
C’était aux 30 ans de ma promise. J’étais au barbecue. Mince aux cheveux cuivrés, l’inconnue portait des grandes bottes. C’était la nana d’un ami de la fratrie, elle venait de finir une école d’art à Paris. Je lui ai demandé direct si je pouvais la surnommer Mary-Jane, parce que je ne pouvais pas l’appeler Valentine, à cause de l’autre. Ça tombait bien, elle était fan de Spiderman. Quand j’ai vu que les steaks brûlaient, je me suis pincé. Je n’allais quand même pas tomber amoureux d’une autre, soixante jours avant mon mariage, comme dans un film à deux balles ! Et si.
J’ai ajouté Mary-Jane sur Facebook.
Ma vie est devenue un enfer rivé à des statuts. On tchatait des heures. On a fini par évoquer nos sentiments. On s’est retrouvés discrétos dans un Buffalo Grill. Là, on s’est dit qu’on s’aimait, vraiment, alors qu’on ne s’était vus qu’une fois. Et j’allais en épouser une autre. Mary-Jane non plus n’était pas libre. Ça s’est passé là, sur le parking du Buffalo Grill. A aucun moment ça n’a été sordide. Au contraire, c’était magnifique. On s’embrassait presque en pleurant. Notre histoire était impossible. Je suis rentré tard, et ça n’a pas raté. Avec Valentine, on s’est engueulés. Pour la première fois je lui ai parlé de notre désert sexuel, de la mainmise de sa famille sur notre couple : un piège. Je n’étais plus certain de vouloir l’épouser. Elle est devenue aussi enragée qu’elle avait été douce : « Si tu me quittes, tu peux dire adieu à ta médiathèque ! » Cette médiathèque, c’était toute ma vie. J’ai dû m’asseoir. A force de menaces, de pleurs, Valentine m’a ramené à la raison. Je n’allais pas détruire quatre ans d’amour pour du sexe de parking. Valentine serait la mère de mes enfants. Mary-Jane, un fantôme qui incarnait ma tentation de fuir, lâchement, comme tous les hommes. Et voilà que je disais tout à Valentine. C’est sorti tout seul. Je hais la dissimulation. Elle est devenue toute verte. Elle m’a fait jurer que je ne reverrai plus jamais Mary-Jane. Sinon, en plus de me faire retirer mon chantier, Valentine ferait jeter ma mère à la rue, ruinerait la réputation de Mary-Jane, raconterait tout à son mec, détruirait sa vie. S’échauffant, Valentine m’a dicté un mail odieux pour « cette pute » : je m’étais moqué de Mary-Jane, jouissant sadiquement de ses illusions. Je n’aimais et ne respectais qu’une seule femme que j’allais épouser devant Dieu le mois prochain. J’ai protesté, supplié, mais Valentine me tenait par les couilles. Pour protéger celle que j’aimais, je devais la torturer mentalement. Trois semaines d’enfer…
Ma future belle-famille m’aspirait tel un monstre gluant.
Les confidences d’homme à homme de Raymond, ses maîtresses, ses coups en Bourse, sa morale hypocrite. Gare à moi si je faisais un jour du mal à « Titine ». Ma belle-mère choisissait les prénoms de nos gosses, leur école catholique. L’avocat me harcelait de coups de fil humiliants. Et le traiteur, le fleuriste, la lune de miel, les heures chez le curé… Je croulais sous les félicitations. Ma mère me pleurait dans les bras. Devant le monde entier, je devais simuler une joie béate alors que j’étais comme mort à l’intérieur. Je me dégoûtais. Et qu’est-ce que Mary-Jane devait penser de moi ? Valentine me haïssait.
Notre mariage serait une guerre froide. Je les avais perdues toutes les deux.
Mary-Jane avait quitté son mec. Elle était très malheureuse. Je me mangeais les poings pour ne pas courir la voir, lui expliquer. Mais en substance, qu’est-ce que je lui aurais dit ? Que je n’aimais qu’elle et que j’épousais Valentine dans une semaine ? Elle m’aurait méprisé. Mes beaux-parents s’étaient débrouillés pour que le mariage religieux ait lieu avant le mariage civil. Tradition oblige. Dix minutes avant, j’attendais seul comme un con dans les jardins du prieuré. Valentine a déboulé en furie agitant son iPad. « Qu’est-ce que c’est que ça ? ! » L’iPad affichait le profil Facebok de Mary-Jane. On ne voyait pas les infos, juste qu’elle avait changé son nom en Mary-Jane-Malgré-Tout. Sur la photo, Spiderman embrassait sa rouquine à l’envers. Ma fiancée avait flairé qu’il s’agissait de nous. Elle n’aurait jamais dû me montrer ça. Pauvre Valentine. D’une voix blanche, elle m’a dit qu’elle ferait de ma vie un enfer. Elle pensait qu’elle n’avait rien à craindre. La fête, la lune de miel étaient déjà payées. L’église était pleine à craquer de nos parents et connaissances. Le prêtre nous avait tous deux baptisés. Je n’allais quand même pas dire non au curé. Ce serait un scandale à 7 sur l’échelle de Richter. Et soudain, j’y étais. « Acceptez -vous de prendre pour épouse… ? » Je ne me souviens de rien. J’avais quitté mon corps. Le « non » que j’ai prononcé d’une voix très ferme m’est parvenu comme de très loin. Au fond de l’église, un carré de soleil éblouissant se découpait dans la porte ouverte. Les invités étaient tétanisés, comme si un coup de feu avait été tiré. Je n’ai même pas regardé Valentine, tout avait été dit. J’ai offert mon bras à ma mère et ensemble nous avons marché hors de l’église. Ensuite, les représailles ont éclaté. Ça a été sanglant. J’ai presque tout perdu.
Et en échange, qu’est-ce que j’ai gagné ? L’amour, le bonheur et la liberté…